Wang Meng, Habitation du bois Juqu, 1378, rouleau vertical, encre sur papier, 68,7 × 42,5cm, Musée du palais national, Taipei.

Le peintre lettré Wang Meng (ca. 1308–1385) est considéré par la tradition chinoise comme un des 4 grands maîtres de la période Yuan. Son style parvint à sa pleine maturité pendant les 20 dernières années de sa vie, durant lesquelles il peignit sur des formats allongés des paysages d'allure colossale, sortes de grandes colonnes torses travaillées par de puissantes lignes de force. Dans sa peinture Habitation du bois Juqu (peut-être la plus étonnante aux yeux d'un observateur contemporain, du fait de son cadrage et de la densité du traitement), on assiste à une saturation de la surface peu courante dans la peinture chinoise, qui repose traditionnellement sur un dialogue dynamique entre le plein et le vide, considérés comme inséparables et complémentaires. Ici au contraire, aucune portion n'est laissée vierge : l'ouverture du ciel est inexistante, tandis que le bras d'eau est uniformément rempli de lignes dentelées. Si le paysage "s'ouvre", ce n'est que sur une grotte dont les ourlets successifs renforcent le plissé général de l'espace. La puissance et le bouillonnement caractéristiques du style de Wang Meng peuvent être envisagés comme une tentative de rendre compte de l'exubérance créatrice des forces de la nature, tout comme une réaction à la période de guerre et d'instabilité politique que traversa la Chine du vivant du peintre. Ses paysages agités contrastent avec la géométrie dépouillée et sereine des cabanes de lettrés qui y séjournent en retraite - situation qui fût celle du peintre durant de nombreuses années.

" Au cours des années 1360-1370, Wang Meng, définitivement détaché des compositions Song et ayant interprété en un sens résolument individuel et expressionniste les techniques et les motifs anciens, crée des œuvres très personnelles, caractérisées par la projection en avant de la composition, le télescopage des plans et le traitement complexe des surfaces. Retraite forestière à Juqu et Sages ermites parmi monts et rivières, deux peintures conservées au musée de Taipei (Taiwan), offrent de bons exemples de cette phase. La scène occupe tout le format ; le traitement très dense des surfaces dénote une sorte d'« horreur du vide », attitude nouvelle dans la peinture chinoise, caractéristique de Wang Meng. Les rides en fibre de chanvre (bima cun), en chanvre emmêlé (luanma cun), en poil de bœuf (niumao cun), les points noirs à l'encre « brûlée » qui escaladent les pentes et se massent dans les accidents du relief, confèrent aux formes créées par Wang Meng une vibration interne, un mouvement ondulatoire et ascendant. Cette dynamique est accentuée par le choix des formats verticaux et étroits. Contrairement aux autres peintres Yuan qui, sous l'influence de Zhao Mengfu, ont presque unanimement abandonné la couleur et concentrent leur recherche sur les « jeux d'encre », Wang Meng utilise largement la couleur pour aviver encore les contrastes de l'encre, exacerber les effets de bouillonnement des surfaces, de tension interne, qui caractérisent le style quasi baroque de ses dernières années." Caroline Gyss, extrait de l'article sur Wang Meng rédigé pour l'Encyclopédie Universalis

Wang Meng, Séjour (retraite) dans les monts Qingbian ou Habitation isolée dans les monts Qingbian, 1366, rouleau vertical, encre sur papier, 141 × 42,4 cm, Musée de Shanghai.

Wang Meng, Le modeste refuge, ca. 1370, rouleau vertical, encre et couleurs sur papier, 136x45 cm, Met museum N-Y.

(Référence inconnue, image trouvée dans un livre sur Wang Meng écrit exclusivement en chinois, je ne sais donc pas s'il s'agit d'une peinture de sa main, d'une copie ou d'une oeuvre en hommage à son style, comme c'est fréquemment le cas dans la peinture chinoise)