Ferdinand de Saussure, extrait du Cours de linguistique générale, 1916 éd. Bally et Sechehaye, 1971, p.98-100 |
||
Chapitre I. — Nature du signe linguistique. § 1. Signe, signifié, signifiant. Pour certaines personnes la langue, ramenée à son principe essentiel, est une nomenclature, c’est-à-dire une liste de termes correspondant à autant de choses. Par exemple : On a vu p. 28, à propos du circuit de la parole, que les termes impliqués dans le signe linguistique sont tous deux psychiques et sont unis dans notre cerveau par le lien de l’association. Insistons sur ce point. Le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept et une image acoustique. Cette dernière n’est pas le son matériel, chose purement physique, mais l'empreinte psychique de ce son, la représentation que nous en donne le témoignage de nos sens ; elle est sensorielle, et s’il nous arrive de l’appeler « matérielle », c’est seulement dans ce sens et par opposition à l'autre terme de l’association, le concept, généralement plus abstrait. Le caractère psychique de nos images acoustiques apparaît bien quand nous observons notre propre langage. Sans remuer les lèvres ni la langue, nous pouvons nous parler à nous-mêmes ou nous réciter mentalement une pièce de vers. C’est parce que les mots de la langue sont pour nous des images acoustiques qu'il faut éviter de parler des « phonèmes » dont ils sont composés. Ce terme, impliquant une idée d’action vocale, ne peut convenir qu’au mot parlé, à la réalisation de l’image intérieure dans le discours. En parlant des sons et des syllabes d’un mot, on évite ce malentendu, pourvu qu’on se souvienne qu’il s’agit de l’image acoustique. Le signe linguistique est donc une entité psychique à deux faces, qui peut être représentée par la figure : |
Ces deux éléments sont intimement unis et s'appellent l'un l’autre. Que nous cherchions le sens du mot latin arbor ou le mot par lequel le latin désigne le concept « arbre », il est clair que seuls les rapprochements consacrés par la langue nous apparaissent conformes à la réalité, et nous écartons n’importe quel autre qu’on pourrait imaginer. Cette définition pose une importante question de terminologie. Nous appelons signe la combinaison du concept et de l’image acoustique : mais dans l’usage courant ce terme désigne généralement l’image acoustique seule, par exemple un mot (arbor, etc.). On oublie que si arbor est appelé signe, ce n’est qu’en tant qu’il porte le concept « arbre », de telle sorte que l’idée de la partie sensorielle implique celle du total.
Le signe linguistique ainsi défini possède deux caractères primordiaux. En les énonçant nous poserons les principes mêmes de toute étude de cet ordre. Le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire, ou encore, puisque nous entendons par signe le total résultant de l’association d’un signifiant à un signifié, nous pouvons dire plus simplement : le signe linguistique est arbitraire. Ainsi l’idée de « sœur » n’est liée par aucun rapport intérieur avec la suite de sons s—ö—r qui lui sert de signifiant ; il pourrait être aussi bien représenté par n’importe quelle autre : à preuve les différences entre les langues et l’existence même de langues différentes : le signifié « bœuf » a pour signifiant b—ö—f d’un côté de la frontière, et o—k—s (Ochs) de l’autre. Le principe de l’arbitraire du signe n’est contesté par personne ; mais il est souvent plus aisé de découvrir une vérité que de lui assigner la place qui lui revient. Le principe énoncé plus haut domine toute la linguistique de la langue ; ses conséquences sont innombrables. Il est vrai qu’elles n’apparaissent pas toutes du premier coup avec une égale évidence ; c’est après bien des détours qu’on les découvre, et avec elles l’importance primordiale du principe. [...] |
![]() René Magritte, Les Mots et les images, in La Révolution surréaliste, n°12, Décembre 1929 |
Article rédigé durant la période de réalisation des «tableaux à mots» (voir ci-dessous). |
![]() René Magritte, La clé des songes, 1930, huile sur toile, 81 x 60 cm [à droite, ligne du haut] René Magritte, L'Usage de la parole, 1927-29, huile sur toile, 41,8 x 27,3 cm René Magritte, Le masque vide, 1929, huile sur toile, 73 x 92.5 cm [à droite, ligne du bas] René Magritte, Querelle des universaux, 1928, huile sur toile, 53,5 x 72,5 cm René Magritte, Le miroir magique, 1929, huile sur toile |
![]() ![]() ![]() ![]() |
John Smith, Associations, 1975 "John Smith’s Associations (1975) sets language against itself by using the ambiguities inherent in the English language. Images from magazines and color supplements accompany a voiceover reading from the book Word Associations and Linguistic Theory by academic linguistic Herbert H. Clark. Combining a wry sense of humor with word/visual games and puns, Smith explores the boundaries of cinematic montage by combining elements together and against each other in order to destroy and create multiple meanings at the same time." [source] |